1955. Un jeune étudiant à l’Université de Besançon consulte les petites annonces sur les murs de sa fac. L’une d’elles retient son attention : « Recherchons jeunes scientifiques pour participer aux campagnes de l’Année Géophysique Internationale ». Désert, océan, calotte de glace… Peu importe, Claude Lorius signe alors pour l’aventure. Il a 23 ans.
Un voyage initiatique
Ce sera l’Antarctique. L’année suivante, Claude Lorius embarque. Pendant un an, il vit dans 24m2 avec deux compagnons sous les glaces du continent blanc. Chaque jour une solidarité à toute épreuve leur permet de tenir et de poursuivre les mesures scientifiques. Malgré le froid, le blizzard et l’isolement, le jeune glaciologue attrape le virus du Grand Sud. A peine reparti, il n’a qu’une envie : revenir.
De l'aventure à la science
L’année suivante il est de retour en Antarctique pour un raid mené par les Américains. Malgré son jeune âge il est l’un des plus expérimentés. Cette fois-ci pas question de passer plusieurs mois dans une base. L’équipage va parcourir par moins de 1000 km à travers les crevasses du plateau antarctique. Les conditions sont extrêmes et le danger permanent. Au cours de leur itinéraire, ils tombent nez à nez avec une chaine de montagne, encore jamais cartographiée. Privilège des explorateurs ! Aujourd’hui les atlas américains contiennent un Mont Lorius.
La naissance d'une intuition...
Fort de ces expériences, Claude Lorius devient chef de base à Dumont d’Urville le temps d’un hivernage. Nous sommes en 1965. Après une dure journée de carottage, le glaciologue observe son verre de whisky. En guise de glaçons, ses compagnons y ont plongé des échantillons du carottage. De petites bulles d’air s’échappent vers la surface. Une idée germe en lui : et si elles provenaient de l’air du passé ? A partir de cet instant, Claude Lorius passera sa vie à tenter de résoudre cette énigme. Il lui faudra plus de 20 ans pour vérifier cette intuition.
... qui mène à la découverte scientifique
Au cours de sa carrière, Claude Lorius entend parler d’un véritable trésor : les carottes de glace de la base de Vostok en Antarctique. Champions du forage, les soviétiques auraient déjà atteint plus de 2000 mètres de profondeur et conserveraient soigneusement la glace extraite. Claude doit aller voir ! Les solides amitiés nouées sur le terrain vont lui permettre de monter, en pleine Guerre Froide, une campagne internationale. Les Américains mettent à disposition leur logistique et emmènent Claude et deux français à Vostok où les soviétiques les accueillent et leur ouvrent la porte de leur carothèque. De retour en France, ces kilomètres de glace vont permettre de remonter le temps. En étudiant les bulles d’air qu’ils contiennent, Claude Lorius met en évidence le lien entre le taux de CO2 dans l’atmosphère et la température de la planète. La sentence est sans appel : depuis deux siècles les activités humaines émettent toujours plus de dioxyde de carbone, modifiant ainsi le climat de la planète.
Donner l'alerte !
Dès lors, le glaciologue n’a de cesse d’avertir. Il enchaine les plateaux télé, les conférences et les interviews. Aujourd’hui encore, à 84 ans, Claude Lorius prend la parole pour raconter l’histoire de son extraordinaire découverte et nous faire comprendre qu’il est grand temps de changer de mode de vie / de réduire nos émissions de gaz à effet de serre.